Voici quelques citations qui éclairent ma pratique.
Nicolas BOUVIER, L’Usage du monde
On se défend de son mieux (….). Souvent aussi il suffit de respirer à fond et d’avaler une gorgée de salive. (La découverte poche, 2014, p. 98).
ALAIN, Propos sur le bonheur
Un sourire nous semble peu de chose et sans effet sur l’humeur ; aussi nous ne l’essayons point. Mais la politesse souvent, en nous tirant un sourire et la grâce d’un salut, nous change tout. Le physiologiste en sait bien la raison ; car le sourire descend aussi profond que le bâillement, et, de proche en proche, délie la gorge, les poumons et le cœur. Le médecin ne trouverait pas, dans sa boîte à remèdes, de quoi agir si promptement, si harmonieusement. L’imagination ici nous tire de peine par un soulagement qui n’est pas moins réel que les maux qu’elle cause. Au reste celui qui veut faire l’insouciant sait bien hausser les épaules, ce qui, à bien regarder, aère les poumons et calme le cœur, dans tous les sens du mot. Car ce mot a plusieurs sens, mais il n’y a qu’un cœur. (Folio essais, Réédition 2022, p. 33)
Le rire et les sanglots sont des solutions du même genre, mais plus retenues, plus contrariées ; il s’y montre une lutte entre deux pensées, dont l’une enchaîne et l’autre délivre. Au lieu que, par le bâillement, toutes les pensées sont mises en fuite, liantes ou délivrantes ; l’aisance de vivre les efface toutes. Ainsi c’est toujours le chien qui bâille. Chacun a pu observer que le bâillement est toujours un signe favorable, dans ce genre de maladies, que l’on nomme nerveuses, et où c’est la pensée qui fait maladie. Mais je crois que le bâillement est salutaire dans toutes, comme le sommeil qu’il annonce ; et c’est un signe que nos pensées sont toujours pour beaucoup dans les maladies ; chose qui étonnerait moins si l’on songeait au mal que l’on peut se faire en se mordant la langue ; et le sens figuré de cette expression fait bien voir comment le regret, bien nommé remords, peut aller à la lésion. Le bâillement, au contraire, est sans aucun risque. (24 avril 1923, Ibid., p. 54)
Christian BOBIN, Ressusciter
J’ai rencontré un homme qui avait mon âge et qui, après s’être régalé du monde, ressemblait à un noceur fatigué : à notre âge m’a-t-il dit – il ne l’a pas formulé ainsi mais ses yeux usés et la gaieté machinale qu’il tâchait d’y faire monter me le disaient éloquemment -, les lampions de la fête s’éteignent un à un il va falloir songer à rentrer. Je n’ai rien dit. La plupart du temps il n’y a rien à dire. Moi je ne rentre pas. La fête ne fait que commencer. Devant moi, mon travail et toutes mes espérances : devenir papillon. (Folio, Réédition 2024, p. 133)
- Le geste royal
Etat d’effarement. (…) Attention à tout, c’est-à-dire peur de tout. Je plains ceux qui ne savent pas annuler tout ce bruit et ce mouvement du grand univers. (…) Il y a un beau mouvement d’épaules qui se décharge de ces choses ; c’est le geste royal. (Alain, Propos sur le bonheur, p.61-62)
- Humeur et déploiement
« C’est du bonheur, si tu veux, que le corbeau t’annonce », dit Epictète. Et il ne veut pas dire seulement par là qu’il faut faire joie de tout ; mais surtout que la bonne espérance fait réellement joie de tout, parce qu’elle change l’événement. Si vous rencontrez l’ennuyeux, qui est aussi l’ennuyé, il faut sourire d’abord. Et faites confiance au sommeil si vous voulez qu’il vienne. (Op. cit., p. 56)